Celles et ceux qui savent ce que je pense du Président de la République seront très certainement surpris par cette prise de position. En effet, je ne me suis jamais caché de m'être éloigné de lui depuis déjà plusieurs années et cette attitude a été confortée à maintes reprises.

Tout d'abord, première désillusion à l'occasion de la préparation des présidentielles de 2002, alors qu'il était premier secrétaire - tout puissant - du PS: il n'a pas tenté d'empêcher Taubira d'être candidate, ce qui a privé Jospin de la qualification pour le second tour de la présidentielle, même si, par ailleurs, d'autres causes ont joué en sa défaveur. Il aurait, sans cela, eu toutes les chances de l'emporter.
La dame, on le sait, est, comment dire, plutôt ass ez personnelle, mais, si le concours de Baylet, le grand chef du parti dont elle se voulait la candidate, avait été sollicité, elle aurait sans doute renoncé à diviser la gauche. Quand on est premier secrétaire, national ou fédéral, on prend ses responsabilités, même si elles dérangent. Je le sais : en mon temps, je l'ai fait, notamment pour les législatives de 1997, sur la 3ème circonscription et les municipales de 2001, à Rochechouart, contre l'avis de tous les chefs à plumes, nationaux et locaux. Les bénéficiaires ne m'en ont pas été trop longtemps reconnaissants, c'est le moins que l'on puisse dire, - vous connaissez l'adage :" oignez vilain ..." . L'important, c'est que le PS ait gagné dans les deux cas.

Peut-être Hollande pensait-il, cela a été dit, qu'une victoire de Jospin en 2002, entouré de sa "dream team", aurait été suivie d'un quinquennat flamboyant, et sans doute d'une réélection du sortant et ... son tour à lui ne serait jamais venu...
Est-ce par remords qu'il a, par la suite, couvert Jospin d'honneurs divers ? ...

De même, pour 2007, n'étant pas en mesure d' être lui-même candidat avec des chances de succès, a-t-il laissé Ségolène Royal, dont il connaissait, mieux que tous les autres - et dieu sait s'ils sont nombreux ! - l'incapacité à gérer convenablement des ministères... et surtout une région, libre de se lancer.
Lionel Jospin aurait eu cette fois des chances raisonnables de l'emporter, mais on serait revenu, dans ce cas, à la problématique précédente.

Pour 2012, époque où le PS gérait la grande majorité des communes, des départements et la quasi totalité des régions, et où Sarkozy était au plus bas, les chances d'un candidat socialiste à la présidentielle étaient considérables, et François Hollande, cette fois, aidé par la bonne image qu'il avait conservée au sein du PS, les problèmes d'un autre candidat potentiel et sa bonne étoile, n'a pas laissé passer son tour. Il fut investi, puis élu.

En ce qui me concerne, j'ai pensé à ce moment là, et je le pense encore, qu'il aurait peut- être mieux valu, vu la conjoncture économique, que Sarkozy soit réélu. Aujourd'hui, nous gérerions encore nos collectivités territoriales, Sarkozy serait définitivement mort politiquement, la droite déconsidérée pour très longtemps, et les socialistes et la gauche, moins désunis qu'ils ne le sont maintenant, auraient un boulevard devant eux.
Il est évident que l'on ne peut pas réécrire le passé, mais réfléchir sur les erreurs commises peut éviter de les rééditer.

Le discours du Bourget, qui a mis en transes l'immense majorité de nos amis, m'a laissé un goût amer : les promesses de notre candidat, qu'il savait très bien ne pas pouvoir tenir, étaient autant de mines disposées sous ses propres pieds de futur président, de son gouvernement, de sa majorité et de celles et ceux qui le soutenaient. Étant donnée l'image du sortant, François Hollande aurait pu se dispenser de semer autant de bombes à retardement ; il aurait été élu quand même.

Par contre, je n'ai guère de reproches à lui faire quant à l'exercice du pouvoir, contrairement à la majorité - actuelle - des français, des gens de gauche et même de beaucoup de socialistes désorientés...
A part quelques initiatives malencontreuses, les plus récentes étant la proposition de déchéance de la nationalité et la gestion calamiteuse de la préparation de la loi El Khomry - et non de son contenu -, j'ai peu de griefs lourds à formuler. Le pouvoir politique n'est pas, quelle que soit sa couleur, en mesure de réguler, sauf à la marge, la finance et l'industrie. Les Mélenchon et consorts, en prétendant le contraire - et qui ne croient pas un mot de ce qu'ils assènent aux gogos qui les suivent - , ne seront, fort heureusement, jamais en situation d'avoir à l'expérimenter.

Hollande n'avait tout simplement pas pu prévoir, et partant, anticiper, la durée de la stagnation économique dont le monde occidental est en proie. Son optimisme naturel, qui fut longtemps son allié, l'a, pendant près de cinq ans, largement desservi.
Simplement, on peut se demander comment le responsable aussi virtuose du parti politique français le plus difficile à conduire a pu se transformer en un Président de la République maladroit et si peu rassembleur...

Alors pourquoi, après toutes ces critiques, tous ces reproches, en suis-je arrivé à souhaiter sa candidature et même sa réélection ?

C'est que, aujourd'hui, le PS est à terre, au bord de la désagrégation comme d'ailleurs l'ensemble de la gauche.
Il n'y a, ni en son sein, ni en dehors, à gauche, de candidat incontournable, ni même crédible. Les postulants ne visent qu'à se positionner pour l' "après" , pour exister dans l'appareil, pour s'en assurer le contrôle, pour prendre des options pour l'avenir ...

Une candidature Hollande est peut-être la seule qui pourrait éventuellement sauver la face et, un miracle étant toujours possible, faire gagner notre camp.
Remporter une désignation, une élection, après tout, c'est ce qu'il sait faire de mieux, tout son parcours l'a démontré.

La conjoncture est en train de changer, le paysage politique aussi. Rien n'est impossible.

Et surtout, même en cas d'échec, une candidature Hollande aurait le mérite de nous éviter celle d'une ou d'un médiocre -à ce niveau-, dont l'échec serait absolument certain, mais qui s'installerait durablement aux premières loges du PS, et ferait main-basse sur son appareil, dont actuellement Cambadélis est le seul en capacité d'assurer un minimum de cohésion.

Voici, brièvement résumées, les raisons qui me conduisent à souhaiter une candidature et une réélection du Président sortant.

JPD

PS: Beaucoup, dans le petit cercle d'encore socialistes que je fréquente, trouvent étrange que les auteurs de " Un Président ne devrait pas dire ça ... " qui s'étaient engagés à faire le récit de TOUT le quinquennat, comme ils le disent dans la préface de leur livre, l'aient publié avant sa fin ...
Pour quelles raisons l'ont-ils fait ?